Stations de métro à vendre. Profitez !

Article rédigé en marge de l’exposition  Cara B : La crisis como excusa  A voir jusqu’au 20 juin au COAM, c/Horaleza 63, Madrid 

Moi ce qui m’ennuie, c’est que sur la ligne 4, passé la station Avenida de America, je ne peux plus appeler H pour lui dicter la liste des courses à faire. 

Il paraît que le problème sera bientôt réglé et que, dès le premier septembre, je pourrai mettre à profit le temps perdu dans n’importe quel recoin de la tuyauterie métropolitaine pour passer le coup de fil qui ne peut pas attendre. Même à mes copains en vacances sur la Côte Ouest, yeah ! (rigolez pas : vous avez pensé au décalage horaire, quand je rentre à deux heures du mat’ ?)

Vodafone SolMerci Vodaf… (nom connu de la Rédaction) ! Merci l’Ayuntamiento de la Région de Madrid !

Le Métro de Madrid perd 800 millions d’euros chaque année. On a donc réduit de 10% le salaire des employés et du coup ils se mettent constamment en grève. Fallait trouver autre chose ! On a trouvé : on a vendu pour trois ans la lignes rouge du « meilleur métro du monde » a une compagnie de téléphone qui s’habille toujours en rouge.

Tout le monde y trouvera son compte : les biodégradables qui arrivent par Cuatro Caminos, les éponges imbibées de culture qui prennent la rame à Opera, les anciens Indignados de Sol qui ont toujours souhaité un changement, les quelques financiers de Banco de España qui switchent sur le métro pour faire preuve de bonne volonté, les bourgeois un peu moins bourgeois de Goya, les taureaux de las Ventas qui meuglent en assistant à cette autre corrida, les Latinos de Ciudad Lineal qui n’en sont pas à leur première période difficile, et Las Rosas du bout de la ligne qui s’efforcent de masquer les effluves malodorants.

Vodaf… a promis de détourner les pensées noires de tous les passagers de la ligne 2 par des actions publicitaires bien ciblées.

Grâce à cette opération – appelée « naming » par les spécialistes en pub – le déficit annuel de Metro Madrid passe à 799 millions d’euros. En comptant qu’on a vendu un million par an la station la plus prestigieuse de la ville, que le contrat n’est signé que pour trois ans, et que le réseau ne dispose que de 317 autres stations à offrir, ça reste difficile…

Vous savez combien le métro me tient à coeur. Je leur ai donc envoyé un lien génial, bourré d’idées publicitaires « innovantes », comme ils ont qualifié celle-ci. Voyez ici. Moi j’aime…

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Face B, il faut s’y intéresser

Cara B: La crisis como excusa

C’est le titre de l’exposition chorale à laquelle je participe et qui s’ouvre aujourd’hui dans un lieu magnifique de Madrid, en plein centre-ville.

Depuis six mois, huit Espagnols et moi nous sommes donné pour thème le sujet le plus présent dans les médias du pays.

Et aujourd’hui nous présentons au public nos neuf visions sur la crise qui sévit en Espagne.

Soyez les bienvenus au vernissage de tout à l’heure, à 19h30.

Si je ne vous vois pas ce soir,  mais que le plaisir, le hasard ou la nécessité vous conduit dans la capitale espagnole avant le 20 juin, passez au COAM (Collège officiel des Architectes de Madrid), calle Hortaleza 63. Vous verrez, le bâtiment est magnifique. Et notre expo vaut le détour. 😉

Merci de me faire savoir ce que vous pensez de tout cela : de la crise, ici, ailleurs, des tapas, des photographes, de l’architecture, et du splendide ciel madrilène. A chacun sa vision. L’intérêt est dans le partage et la discussion. Ensuite on dirige ses voiles…

Cara B

Hasta mañana

La réalité n’est qu’une chimère,
Mon regard, un voile
 
Le tulle cache et révèle, ajoute du mystère
Il promet une surprise,
Exacerbe mes fantasmes
 
La réalité est une terrible Chimère,
Elle domine, elle gouverne :
Ma vieille maison Europe voile son piteux état
 
Les brumes sont inquiétantes
 
Certains se plaignent des mauvais vents
D’autres ajustent les voiles
 
Le cap est incertain
 
CB_Pour l’expo Cara B
 
CaraB_Blog
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Je suis à Cracovie

Carte pubJe suis revenue en Pologne pour suivre les premiers pas d’un nouveau chapitre de  mon exposition « Oswoić Warszawę / Apprivoiser Varsovie » qui s’affiche pour la 3e fois de son existence, après Varsovie et Płońsk.

C’est actuellement la magnifique ville de Cracovie qui accueille mon travail , du 16 Wystawa Burkhard_Ingardena Krakow 1mai au 16 juin 2013, rue/ulica Romana Ingardena. 

Mes réflexion, remarques, questions et photos sur la Pologne ont plu à Madame Malgorzata Kusak, responsable des expositions de la Bibliothèque de l’Université Jagellonne. L’exposition est accrochées à la barrière qui enceint le jardin de la bibliothèque universitaire. 

Wystawa Krakòw_Seb et ClaudiaSans le soutien structurel de Krakow Photo Fringe, le soutien financier de la maison Franke, et les efforts physiques de mes amis Sébastien et Claudia, jamais cette nouvelle aventure n’aurait démarré. A tous, mes plus sincères remerciements ! Sans oublier Antonio, Marina et Javier (directeur et deux élèves de Lens, école d’arts visels), mes premiers visiteurs, venus de Madrid.

Wystawa Krakòw_ntonio, Marina, JavierJe vous rappelle que sur la page « Expo Pologne » vous pouvez voir l’intégralité de ce travail.

Trois logos

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On le connaît tous. Il nous connaît tous. Il est tous les jours à la bouche de métro Goya, la plus proche de chez nous.

El humoIl tient dans la main gauche un paquet de feuilles A5, imprimées en jaune et noir, et de la main droite tend une feuille aux gens que la bouche engouffre ou crache dans la rue. Il travaille vite, il s’investit. Son offre ? Que je vende à son patron tout mon or, sous n’importe quelle forme, garanties, super prix, bla-bla. Dès que j’ai su quel commerce le jeune homme vantait, je lui ai indiqué d’un petit geste de la main qu’il devait remettre sa feuille à quelqu’un d’autre. Après un mois de refus, il a compris et ne m’a plus rien tendu.

Aujourd’hui, il n’était pas seul. Un concurrent tendait une pub d’une couleur inconnue. Curieuse, je l’ai acceptée. Et voilà que mon ami marchand d’or se précipite et me remet la même feuille jaune et noire, que j’accepte. « Merci beaucoup », dit-il en français, avec un large sourire. Je me fais avaler par la bouche et jette la feuille dans la première poubelle croisée. L’expression joyeuse du jeune distributeur de feuilles colle à ma mémoire. Ses lèvres souriantes semblent me susurrer quelque chose que je crois pouvoir déchiffrer : La fiesta« Tu comprends enfin le fonctionnement du Capitalisme ! Le Capitalisme c’est aussi accepter cette feuille dont tu connais le contenu et la jeter immédiatement dans une poubelle. Afin qu’une personne soit employée à vider les poubelles. Au passage, tu auras donné du travail à un fabricant de papier, un chimiste qui vend des couleurs, un graphiste qui noue difficilement les deux bouts, un imprimeur, un marchand de machines offset, un commis qui délivre les feuilles jaunes et noires à mon patron et qui se sera arrêté en route pour avaler un bocadillo dont le fromage provient d’une grande laiterie qui hésite à licencier des dizaines de personnes. Tu comprends qu’en ces temps moins faciles beaucoup se refusent le petit sandwich… »

Qu’est-ce que je comprends ?

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Jardin secret

Bons baisers de la terrasse_p

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Souhaiter « les bons jours »

Le petit monsieur ne payait pas de mine : taille moyenne, chaussures classiques noires et fatiguées de marcher, pantalon lustré aux genoux, retenu par une ceinture en skaï brun. Son maillot noir à manches longues, trop étroit, trahissait une bedaine naissante. Il traînait un caddy d’où s’échappait le cordon d’un microphone, bagage récurrent dans le paysage du métro madrilène.

¡ Ve a la playa !Le petit monsieur s’est gentiment adressé au public peu disposé à l’écouter pour lui « souhaiter les bons jours », « dar los buenos días », comme le font les Espagnols, plus généreux que nous qui n’en offrons qu’un.  Une musique de plage des années Soixante a surgi du caddy, et le monsieur s’est mis à ¡ Sal en bicicleta !chanter d’une voix agréable les paroles d’une chanson qui prend la vie avec légèreté et bonne humeur. Quand elles ont réclamé « una actitud sexi », le monsieur s’est mis à bouger ; quand elles ont voulu « un movimiento de las caderas », il a imprimé à ses hanches un petit mouvement cadencé qui a déridé les derniers grognons du compartiment. En une minute et trente secondes au grand maximum, ce petit monsieur à la quarantaine bien tapée, sans autre signe distinctif que deux yeux malicieux sur une tête ronde et dégarnie, a installé une bonne humeur palpable parmi les voyageurs. Les gens ont oublié leurs portables pour échanger des regards souriants. Presque tous avaient une piécette au fond de leur poche.

Les anges existent. J’en ai rencontré un.

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Homages

Elles me font toutes les deux rire. Je ne les connais pas très bien, mais tout de même suffisamment pour qu’elles me fassent régulièrement rire, de ce large rire que Rabelais appelle « une panacée philosophique ».

Espace 1Ni l’une ni l’autre ne sont nées de la pluie qui arrose Madrid depuis trois semaines. 

La première, je ne l’ai jamais vue. Je ne peux que l’imaginer à travers ce qu’elle me dit d’elle-même. En janvier par exemple, mois des bonnes résolutions, elle m’a avoué : « Depuis le temps que je me fréquente, je me connais suffisamment pour savoir que les bonnes résolutions et autres régimes décidés à cette période de l’année font long feu. » J’aime à l’imaginer cuisinière hors pair, croquante, appréciant les bons vins et les Espace 2bonnes lectures, dame espiègle que tout le monde adore. 

L’une et l’autre sont pleines d’esprit et d’intelligence. «Ce que j’apprécie à mon âge, m’avait un jour dit l’Autre, c’est que je dis enfin tout ce que je pense».

 L’Une envoie des petits papiers, tous les mois, par e-mail. Des textes nés dans les Alpes valaisannes, le pays de Corinna Bille. Je m’amuse à lire comment elle récrit des bribes de sa vie. Comment sa plume transforme des courses à la Coop du coin en un instant à la fois unique et universel. La caissière relance la vieille guerre des sexes en lui tendant un échantillon gratuit ? Elle me demande d’entendre cet accent typique des gens de la montagne : « Ce sont des bonbons énergétiques. […] Aux hommes je n’en donne pas. Ils n’ont pas besoin d’énergie, ils foutent rien !» La semaine passée, c’est sa manière de me raconter ses découvertes en pénétrant « pour humer l’ambiance » dans la « Nacktezone » d’un centre de bien-être autrichien Espace 3qu’elle m’a fait mourir de rire. Elle termine son court récit – dans lequel se promènent « des zobs tristement ballotés sur un lit de testicules tièdes » – par une questions anodine : «Vous auriez fait quoi, vous ?» Merci d’ouvrir la vanne aux fantasmes ! Le bonheur, chère Madame, d’être dans vos petits papiers ! 

L’Autre, je la voyais régulièrement, avant de m’installer en Espagne. Elle forme avec son homme un couple sans pareil : toujours ensembles, toujours à se compléter, dans les tâches quotidiennes comme dans les phrases. Ils sont artistes. Lui sculpte de beaux objets qui vont sculpter des sons envoûtants. Elle dessine des petites scènes qui redessinent les nouvelles du Monde. Ils vivent au 5e étage d’un immeuble splendide, tombé en décrépitude. Au Espace 4plein centre de la capitale, au coeur de l’agitation. Elle s’exprime tous les jours, d’une griffe qui va du tendre à l’assassin, toujours très drôle. «Et je suis subtile ! C’est un journaliste très connu qui me l’a dit.» Son blog s’est classé parmi les meilleurs dans un concours national. «Mais je ne passerai pas la barre des finalistes. Pour ça, il faut faire moins subtil et plus cul.» C’est le même journaliste qui le lui a dit. 

Elle me racontait cette anecdote par Skype, avec le ton. On a ri, mais qu’est-ce qu’on a ri ! 

Je voulais juste vous dire que je connais des femmes formidables. Là je sors. Avec mon appareil-photo. J’espère trouver quelques graffiti bien salaces pour illustrer ma prose d’aujourd’hui. Pensez-vous que ce soit une bonne idée ?

Espace 5aHistoire de mieux les faire connaître, l’Une et l’Autre…

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Demain, c’est le printemps

Le printemps est déjà là

Clic-clac, clac, clac, clac, cliquez sur la photo ci-dessous…

Printemps dans l'air_

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Voyager

Atocha– Mbote na yo, moninga. Ngenge nini ?

– A toi aussi, bien le bonjour. Oui oui, ça va très très bien !

Je rentre d’un voyage de trois semaines en République Démocratique du Congo, à Kinshasa plus précisément. J’ai suivi deux jeunes Français, Renaud Barret et Florent de la Tullaye. Vous avez vu ? Je sais même comment on dit bonjour en lingala. Renaud et Florent m’ont présenté des potes à eux, une équipe de musiciens superdynamiques, superpositifs. Ils jouent un « ndombolo » – sorte de rumba congolaise – métissé de funk, de salsa et de rap. Vraiment la classe ! Les paroles de leurs chansons parlent de leur vie misérable, à dormir sur des « tonkars », à se débrouiller de petits boulots, toujours au bord de la famine. Les chansons disent aussi aux mamans de faire vacciner leurs petits, et recommandent à tous d’aller voter, de se prendre en main, plutôt que de « peigner » les compagnons d’infortune. Car chacun a sa chance. Bingo ! Le vent peut tourner !

Les huit copains des deux Français en sont la preuve. Cinq sont nés sous la mauvaise étoile de la polio, tous savent ce qu’est la vie de « shégués », ces gosses abandonnés dans les rues de Kin-la-Belle, devenue Kin-la-Poubelle. Citoyens d’un pays où seuls ceux qui pillent les richesses ne vivent pas misérablement, ils sont parvenus, grâce à leur optimisme en inox, à se faire propulser – chaises roulantes et instruments de récup compris – aux Eurockéennes de Belfort.

Marché du RastroPour goûter au maximum mon voyage et en faire profiter d’autres, je me suis beaucoup documentée. Je voulais connaître au mieux l’Histoire de cet immense pays à laquelle ont participé au moins deux de mes ancêtres belges. Je voulais savoir ce qu’était devenu le Congo depuis le départ précipité des colons, essayer de comprendre pourquoi il s’enlisait dans des guerres ethniques et se dégradait de plus en plus, jusqu’à obtenir du PNUD, en 2012, le triste prix du dernier rang de l’indice du développement humain (IDH).

Un voyage passionnant mais réellement éprouvant. Que j’ai pu faire grâce à un film documentaire de Renaud Barret et Florent de la Tullaye. J’ai terminé hier matin mon dix-neuvième dossier pédagogique de cinéma, projet que je conduis pour les écoles publiques de ma région, en Suisse. Quelques dizaines de classes vont ainsi découvrir, comme je viens de le faire, l’étonnante aventure du Staff Benda Bilili, comment ces musiciens doués ont réussi, en cinq ans de persévérance, à se hisser de la misère de Kinshasa aux scènes les plus prestigieuses du monde. Le film s’est fait remarquer à Canne en 2010, dans la section Quinzaine des réalisateurs, et a obtenu en 2011 l’Etoile d’or, prix de la Presse du cinéma français.

Puerta del SolToutefois, les élèves apprendront également que l’argent a le double visage de Janus, et que le plus difficile est peut-être de gérer le succès.  En janvier 2013, le Monde titrait « Staff Benda Bilili : la fin d’une belle histoire d’amour »,  tandis que Libération avait opté pour « Du rififi chez Staff Benda  Bilili ». Disputes de fric, dissensus, on s’engueule, on se sépare. Triste épilogue. Mais classique.

Dimanche midi, mon dossier a pris le chemin électronique de la Suisse. Et l’après-midi, je suis repartie en voyage, accompagnée de K, mon plus jeune fils. Ouvrez la page de ce blog intitulée « Les mots du jour », vous verrez : la photo (18.3) est suggestive.

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La vie de bohème

Ropa interior« Eh bien ! Les gitans semblent être à la mode ! »

Cette phrase m’a échappé quand je suis tombée, le 17 février, sur un article du quotidien El País. C’est l’illustration qui avait attiré mon attention : on y voyait un groupe de gitans encerclant une danseuse de flamenco d’âge mûr. J’ai immédiatement repéré dans l’assemblée le visage d’Israel MaletaGalván, le danseur sévillan qui m’avait éblouie lors de son passage à l’Opéra de Madrid.

Or j’étais en route pour voir à la Fondation Mapfre l’exposition “ Luces de Bohemia / Artistas, gitanos y la definición del mundo moderno” La coïncidence m’a surprise, les gens du voyage m’ont tout à coup paru très à la mode.

BotellasMODE n.f. : Manière passagère d’agir, de vivre, de penser, etc., liée à un milieu, à une époque déterminée. Larousse

Marcel Duchamp semble à la mode dans l’école d’arts visuels que je fréquente : chaque professeur nous parle de son urinoir, “ l’oeuvre qui pose la vraie question de ce qu’est l’art”. Quand j’avais dix-huit ans, on m’assurait qu’Andy Warhol avait Muñecatout bouleversé. Puis Beuys à eu son heure de gloire. Juste avant Bacon. Et en ce moment, c’est Marina Abramovic qui fait fureur. Pauvres imbéciles qui ne comprennent pas pourquoi se taillader le ventre en public est un geste hautement artistique. Elle-même se dit surprise de cette évidence : «Jamais personne ne me demande si ce que je fais est de l’art.» C’est ainsi : les initiés sentent les courants forts El gato negrosans avoir à poser de questions. Ils sont instinctivement à la page. Moi par exemple, je sais pourquoi Marina est une artiste…

Le bœuf mode est devenu ringard, les kebabs ont passé au rang de classiques, les sushis sont à la mode. Israel Galván a fait salle comble tous les soirs au Théâtre de la Ville de Paris. Affaire de mode ? On pourrait le croire en lisant certaines critiques au vitriol qui ont paru dans les journaux.

SUSHI n.m. (mot jap.). Boulette de riz surmontée d’une lamelle de poisson cru ou d’un coquillage cru. Larousse

Comme il était en France, le grand danseur né d’une mère gitane en a profité pour aller voir les Roms de Ris-Orangis, au sud de Paris. Il paraît qu’ils sont environ cent quatre-vingt à s’entasser dans une trentaine de baraques bricolées. Il paraît aussi qu’on a dû  tirer l’oreille au maire pour qu’il admette leurs enfants dans les classes régulières de la commune. Le journaliste du País qui me raconte tout ça égratigne au passage le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, originaire de Barcelone : il le prétend bien plus zélé à expulser ces « irréguliers » que son prédécesseur, sous Sarkozy.

ROMS n.m.p. Terme qui a été adopté par l’Union romani internationale pour désigner un ensemble de populations ayant en commun une origine indienne.[…]Les Roms sont également désignés par d’autres mots : Gitans, Tsiganes (ou Tziganes), Manouches, Romanichels, Bohémiens, Sintis. Nomades, semi-nomades ou sédentaires, ils partagent une identité marquée par les persécutions (depuis l’exigence d’assimilation jusqu’au génocide perpétré par les nazis) Wikipédia + Larousse

Dans les élégants salons d’exposition de la Mapfre, les gens du voyage apparaissent sous une autre lumière. Ils seraient même à la racine de l’art moderne ! De la Gitanilla de Cervantès, en passant par la Esmeralda de Hugo ou la Carmen de Mérimée, l’ombrageuse gitane a fait rêver les artistes. Elle est le symbole d’un monde libre, dégagé des codes bourgeois, sensuel. Produit dérivé du Romantisme, la « vie de bohème » devient, au long du 19e siècle, le ferment indispensable pour se défaire de toutes formes d’académisme, et libérer la créativités qui se terre sous des couches de conformisme. Le jeune Rimbaud le déclare en vers magnifiques : seules des poches crevées peuvent accueillir les poings d’un artiste. La marginalisation est la panacée, elle est la clé d’une vraie liberté. Elle signifie dormir dans un taudis et bouffer de la vache enragée, mais qu’importe ? Qu’importe mourir trop jeune de syphilis après avoir écrit Ma Bohème ? La question est vulgaire.

BOHÈME (de Bohême, n.pr.) n.f. Vieilli. Le milieu des artistes, des écrivains, etc., qui menaient une vie au jour le jour, en marge du conformisme social et de la respectabilité ; ce genre de vie. Larousse

Goya, Courbet, Manet : on décèle chez tous un penchant gitan. Lautrec, Renoir, Modigliani, Picasso : tous des marginaux. Les impressionnistes, les cubistes, Dada, les surréalistes, les futuristes, les expressionnistes, les briseurs de conventions, les innovateurs, géniaux ou incompris : tous redevables de l’esprit libre des gens qui refusent les limites, traversent les frontières.

Âmes nomades que rien n’arrête, arpenteurs mythifiés ou détestés : les voici mis en lumière par les plus grands musées, ou renvoyés dans leurs terres lointaines par les politiciens en mal de boucs émissaires.

PoesiasEt les bobos, et les bobos, ils leur doivent quoi aux Bohémiens  et à leur vie de bohème ? Eux, le savent-ils ? Renaud le chante, d’autres l’écrivent dans leur blog.

Moi j’y pense souvent.

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