Comme tout le monde, j’ai lu dans la presse que plusieurs banques espagnoles avaient de très gros problèmes financiers. J’ai lu également dans la « Guía del Ocio », carnet culturel en ligne de Madrid, que la CaixaForum présentait une exposition intitulée « Tours et gratte-ciel. De Babel à Dubai« .
J’aime bien les gratte-ciel. Ne dois-je pas à la hardiesse du roi Nemrod le plaisir de découvrir d’autres cultures, d’autres langues, dispersées sur toute la Terre ? Il paraît que Dieu, pour punir les Hommes qui cherchaient à s’élever jusqu’à Lui, a semé la mésentente entre eux. Pour moi ce n’est qu’une nouvelle preuve que de la confrontation naît la créativité. D’ailleurs Dieu savait dès le Septième Jour que sa Grande Création allait Lui échapper.
Gratte-ciel, c’est un joli mot ne trouvez-vous pas ? Plein d’humour et de poésie. Les constructions élevées vers le ciel cherchent toujours à exprimer la confiance des Hommes. Confiance en Dieu, qui saurait bien voir au pied des cathédrales, ces hommes ayant foi en Lui, et les délivrerait de la mort. Confiance en eux-mêmes aussi, en leur culture, en leur suprématie, en ce qu’ils défendent et qu’ils cherchent à imposer.
Moi je m’amuse à voir dans les tours que dressent les Hommes une image des pénis que les potaches mesurent après la leçon d’éducation physique pour savoir lequel d’entre eux en impose le plus. A San Gimignano, la ville toscane « aux belles tours », les Guelfes – partisans du Pape – et les Gibelins – partisans de l’Empereur – se défiaient au 13e siècle déjà à coup de tours toujours plus nombreuses et plus hautes. Soixante-quinze en tout ! Au 20e siècle, la bataille de la plus haute tour est devenue intercontinentale, et l’effondrement le 11 septembre 2001 des deux sexes géants dressés sur le quartier des affaires de Manhattan a violemment secoué toute la Planète. Action puissamment symbolique qui a insinué que même la plus grande économie du monde pourrait un jour devenir impuissante.
Je suis donc allée voir, avec Kyril, l’exposition sur les gratte-ciel.
Deux heures agréables. Comme point de départ, la Tour de Babel de Breughel l’Ancien, et comme point d’arrivée celle dénommée « Wind », ouragan très impressionnant de l’artiste chinois Du Zhenjun. Entre les deux tours, un historique et des explications techniques, le tout bien illustré. Et une magnifique surprise : la photo « Nuage égaré » du très grand Kertesz.
Mais pour être franche, ce qui m’a vraiment surprise c’est…la CaixaForum. On peut aimer ou pas. On ne peut pas rester indifférent. Cette grande bâtisse de couleur rouille s’élève (au sens premier du terme) au-dessus du sol en entraînant avec elle une ancienne usine d’électricité. Vaisseau volant qui rouille par son sommet, cette architecture des Suisses Herzog et De Meuron est une enveloppe de rêve(s). Celui
qui a le courage de se glisser en-dessous découvre le tronc métallique qui soutient l’édifice et permet d’atteindre son coeur par un escalier kaléidoscopique. Il faut ensuite monter jusqu’à la fine dentelle du 5e étage d’où l’on découvre un monde étrangement tamisé.
J’ai été subjuguée. Voilà une Caisse d’Epargne et de Pension catalane qui offre aux Madrilènes un lieu exceptionnel. Suivez le logo de la Caixa : c’est une étoile née de l’imagination poétique de Juan Miró.
Comme quoi des dettes peuvent cacher de très belles choses.
Oups, son commentaire a disparu, le voilà :
Cette phrase de ton texte sur les tours inspire en moi une reflexion.
« Pour moi ce n’est qu’une nouvelle preuve que de la confrontation naît la créativité. »
Cela est vrai pour moi seulement si la confrontation ne glisse pas vers une rivalité quantitative. Seule la confrontation des choses intompatibles puisse être véritablement créative.
Une idée similaire se trouve dans « L’envers du miroir » de Konrad Lorenz que je cite ici en ma traduction libre du polonais :
« Si tous les gens de toutes les cultures combattent avec les mêmes armes, concurrencent entre eux en utilisant la même technique et veulent s’enrichir au détriment des autres jouant sur la même bourse globale, alors la sélection interculturelle cesse d’être créative. »
Vive la diversité !
Amitiés
Andrzej
je crois que c’est un endroit que j’aurais aussi aimé … ce week end nous, nous étions dans la tour du Mariott pour le traditionnel charity bazar d’où je suis repartie avec un Panana fabriqué en Equateur (parfait pour l’hiver polonais qui approche tu me diras !).