Elles me font toutes les deux rire. Je ne les connais pas très bien, mais tout de même suffisamment pour qu’elles me fassent régulièrement rire, de ce large rire que Rabelais appelle « une panacée philosophique ».
Ni l’une ni l’autre ne sont nées de la pluie qui arrose Madrid depuis trois semaines.
La première, je ne l’ai jamais vue. Je ne peux que l’imaginer à travers ce qu’elle me dit d’elle-même. En janvier par exemple, mois des bonnes résolutions, elle m’a avoué : « Depuis le temps que je me fréquente, je me connais suffisamment pour savoir que les bonnes résolutions et autres régimes décidés à cette période de l’année font long feu. » J’aime à l’imaginer cuisinière hors pair, croquante, appréciant les bons vins et les bonnes lectures, dame espiègle que tout le monde adore.
L’une et l’autre sont pleines d’esprit et d’intelligence. «Ce que j’apprécie à mon âge, m’avait un jour dit l’Autre, c’est que je dis enfin tout ce que je pense».
L’Une envoie des petits papiers, tous les mois, par e-mail. Des textes nés dans les Alpes valaisannes, le pays de Corinna Bille. Je m’amuse à lire comment elle récrit des bribes de sa vie. Comment sa plume transforme des courses à la Coop du coin en un instant à la fois unique et universel. La caissière relance la vieille guerre des sexes en lui tendant un échantillon gratuit ? Elle me demande d’entendre cet accent typique des gens de la montagne : « Ce sont des bonbons énergétiques. […] Aux hommes je n’en donne pas. Ils n’ont pas besoin d’énergie, ils foutent rien !» La semaine passée, c’est sa manière de me raconter ses découvertes en pénétrant « pour humer l’ambiance » dans la « Nacktezone » d’un centre de bien-être autrichien qu’elle m’a fait mourir de rire. Elle termine son court récit – dans lequel se promènent « des zobs tristement ballotés sur un lit de testicules tièdes » – par une questions anodine : «Vous auriez fait quoi, vous ?» Merci d’ouvrir la vanne aux fantasmes ! Le bonheur, chère Madame, d’être dans vos petits papiers !
L’Autre, je la voyais régulièrement, avant de m’installer en Espagne. Elle forme avec son homme un couple sans pareil : toujours ensembles, toujours à se compléter, dans les tâches quotidiennes comme dans les phrases. Ils sont artistes. Lui sculpte de beaux objets qui vont sculpter des sons envoûtants. Elle dessine des petites scènes qui redessinent les nouvelles du Monde. Ils vivent au 5e étage d’un immeuble splendide, tombé en décrépitude. Au plein centre de la capitale, au coeur de l’agitation. Elle s’exprime tous les jours, d’une griffe qui va du tendre à l’assassin, toujours très drôle. «Et je suis subtile ! C’est un journaliste très connu qui me l’a dit.» Son blog s’est classé parmi les meilleurs dans un concours national. «Mais je ne passerai pas la barre des finalistes. Pour ça, il faut faire moins subtil et plus cul.» C’est le même journaliste qui le lui a dit.
Elle me racontait cette anecdote par Skype, avec le ton. On a ri, mais qu’est-ce qu’on a ri !
Je voulais juste vous dire que je connais des femmes formidables. Là je sors. Avec mon appareil-photo. J’espère trouver quelques graffiti bien salaces pour illustrer ma prose d’aujourd’hui. Pensez-vous que ce soit une bonne idée ?
J’aime bien tes croquis de personnes qui sont ici, en l’occurrence, de sacrés personnages. Beaucoup de tendresse et d’empathie pour celles qui ne sont pas comme toi mais qui ont sans doute des points communs avec toi. Jacques.
L’Autre attend avec impatience ma récolte de graffiti salaces. Mais en ces temps austères je n’ai trouvé que quelques « Busco trabajo ». De quoi se faire sérieusement du souci… Les « sacrés personnages » goûtent chaque instant, quel qu’il soit, et partagent… Toi aussi. Merci.
Au fond, à quoi servent-ils les espaces N° 1, 2, 3, 4, 5 . A être des cadres sans photons que nous allons remplir avec notre imagination?
Offrir des espaces blancs encadrés…Je suis incapable de faire davantage.
Quelle surprise chère Christine, lors de mon dernier passage sur votre blog ,d’y découvrir cet hommage.
Cela m’a beaucoup touchée. Merci. Je constate que l’effet de mes petites histoires correspond à ce que je cherche à provoquer chez mes lectrices et lecteurs. Dans la météo tristounette et inondée de ces vacances pascales et au milieu de la morosité ambiante un bon éclat de rire revigore.
Si vous vivez depuis longtemps à l’étranger vous n’avez pas du tout oublié les enseignes phares et incontournables de notre pays. Vous dites en effet : « Comment sa plume transforme des courses à la Coop du coin… » interpellée je m’en vais relire ma petite histoire. Ce qui confirme ce dont je me doutais : je n’avais pas cité le nom du magasin !
Mais vous l’avez trouvé et le bon ! Vous ne l’avez pas confondu avec son grand concurrent. C’est intéressant et étonnant tout de même ces marques estampillées dans nos mémoires et qui resurgissent inconsciemment.
Nous sommes le premier avril et nous avons été sevrés de poisson ! Pas de journaux en ce lundi de Pâques, il y a bien la NZZ online qui annonce une candidature du Valais pour les JO 2026 avec de réelles chances de succès puisque « les Valaisans sont plus enclins à faire la fête et que leurs montagnes sont plus hautes ». Et une chaîne de radio qui nous informe d’une pénurie d’œufs, les poules suisses souffrant de burn out ! Et enfin mon neveu, un farceur patenté, qui choisit ce jour pour nous annoncer son mariage. Aux dernières informations ceci ne serait pas un gag !
Voilà chère Christine ce sera tout pour ce soir.
C’est toujours un plaisir de parcourir votre blog.
Cordialement
Josette
Zut, c’est déjà le 2 avril. Trop tard pour lâcher dans le Manzanares un petit poisson loufoque et amical qui aurait su remonter le Rhône jusqu’au Valais…En pensées avec vous Josette !