Participer à une soirée décontractée, ou assister à la présentation du projet Photolatente par Oscar Molina ? Deux offres intéressantes pour un seul samedi soir, c’est pléthorique. Et comme choisir, c’est perdre quelque chose, mon humeur était grisâtre quand je suis sortie de chez moi.
Les copains qui ont opté pour l’autre rendez-vous me diront ce que j’ai perdu. Par contre, je sais déjà ce que j’ai gagné : le projet d’Oscar est passionnant.
Dès l’ouverture de son exposé, le concepteur de Photolatente a posé une des questions cruciales du projet : celle du droit d’auteur. « On peut se demander à qui appartiennent les milliers de photos anonymes qui s’échangent sous la marque que j’ai déposée. » Si vous avez lu mon article « La peur du Néant » vous savez combien le sujet m’intéresse …
Nous étions dix-sept à écouter Oscar. D’un abord très sympathique, il s’exprime facilement, son débit de voix est agréable, et il répond avec clarté aux nombreuses questions posées. A la fin de la soirée, seuls trois participants n’étaient pas conquis. Les autres ont tous reçu un film. Chacun en fera ce que bon lui semblera et renverra la bobine à Oscar qui la noiera dans la « boîte à effacer les auteurs », puis lui fera subir la première partie du travail en laboratoire. Il exposera alors les 36 photos de chaque film à la lumière d’un agrandisseur, mais ne trempera pas les rectangles de papier blancs dans la solution oxydante qui les révèlerait. Il glissera ces images « latentes » dans une
enveloppe noire parfaitement opaque, et son éditeur les mettra en vente au prix de 60 centimes.
Photolatente c’est jeter une image à la mer et imaginer qu’elle se révélera, un jour, quelque part, de par le monde.
Photolatente c’est aussi acquérir une image anonyme, la révéler, et construire mille histoires sur sa provenance.
Photolatente, c’est du rêve pur, condensé dans un petit carton blanc de 15×10 cm, identifiable à son filigrane discret.
Oscar Molina est un ami. Je l’ai rencontré pour la premiere fois il y a quatre mois, à mon arrivée à Madrid, grâce à sa femme Murielle, originaire de ma région. Il nous arrive de casser la croûte ensemble, d’échanger quelques mails. Mais les recherches artistiques d’Oscar se sont invitées chez moi bien avant leur auteur. En 2007 déjà. Introduites par une amie qui m’avait offert une très belle oeuvre de cet ami « latent ».
Oscar lui-même m’a fait voici peu un beau cadeau : il m’a envoyé dans un mail, début janvier, une photo toute récente de lui, réalisée par la photographe Jeanne Chevalier. Si Oscar m’envoie cette image, puis-je en disposer ? « Le spectateur actif fait partie du processus de création de l’image ». Oscar a dit samedi soir une vérité que je défends depuis longtemps. Voyez (ci-contre) la photo en question : un instant de la vie d’Oscar saisi par Jeanne. Ma réception de cette image fait forcément écho à mon monde intérieur, à ce que sont pour moi Jeanne, et Oscar, et les plages, et les vagues, et les bâtons…Ma vision est unique, elle m’appartient.
La photo est un médium.
Jeux du Nord, jeux du Sud Des bâtons pour frontière. Vieille pratique dans les hautes terres de chez nous : un chemin tracé dans la neige. Oscar arpente sa plage, les cheveux en écume, et sépare : l’eau pour les rêves, la terre pour le reste. La vieille année de la nouvelle. Les déesses naissent de la mer, et se donnent sur les berges. 8.1.2013