Ce matin nous avons commencé par nous disputer pour savoir s’il fallait avancer ou reculer notre montre. La rue était déserte, nous avons décidé qu’il n’était que neuf heures, et nous sommes montés dans une rame de la ligne rouge, direction Opéra. En surgissant de terre, nous avons trouvé un froid inhabituel, une lumière tranchante. Et toujours personne. Ah si ! Un groupe de Japonais arrivaient par la droite en suivant leur berger, repérable à un petit étendard jaune et rouge. Ils se sont engouffrés sur la
gauche dans un magasin d’articles de luxe. La scène était à nouveau vide. Une feuille d’automne s’est enhardie à la traverser et nous avons pris la direction de la Latina. Nous voulions découvrir le « Mercado del Rastro » qui s’y tient tous les dimanches.
Kyril crevait de faim. Il trouve que je ne fréquente pas suffisamment les restaurants et me le fait sentir par des petites phrases au vinaigre.
Il trouve aussi que je m’arrête trop en route, soupire ou hausse les épaules quand tous les deux pas je prends une photo. Mais quand nous sommes tombés nez à nez avec une dizaine d’énormes taureaux qui descendaient la Calle Mayor, c’est lui qui s’est arrêté. Il a même reculé, certaines scènes de Pampelune vues à la télévision surgissant dans sa mémoire : « Wouah ! Comme ils sont forts ! »
Un défilé ininterrompu. Après les taureaux : des chevaux et leurs gauchos. Par dizaines : hommes, femmes, enfants, habillés des costumes les plus divers, accompagnés de danseuses claquetantes ou de joueurs biniouteux. Mais pourquoi tous ces gens transhumaient-ils par le centre de Madrid ? Nous n’avons pas compris, mais c’était une bonne idée…
Kyril m’a arrachée à ce folklore sans se douter que la place de la Latina m’offrirait, pauvre Kyril, une nouvelle occasion de retarder notre pause déjeuner. Là, c’était les jeunes du quartier qui avaient rassemblé tout un bric-à-brac pour créer un monde utopique où l’on chante les vieilles rengaines révolutionnaires en cultivant son jardin dans des bacs improvisés.
Au Mercado nous avons acheté une casquette en tweed et une jupe couleur pétrol brodée de coquelicots rouges. Nous avons dépensé 22€ et mangé deux paellas différentes. Celle de Kyril était à l’encre de seiche.