Avant d’emménager à « la Fuente » – « la Source », surnom désormais adopté pour désigner notre chez-nous – nous avons vécu à la mode des nomades, un peu ici, un peu là, dans des appartements « short term”, loués pour une, parfois deux semaines, convaincus que dans cette ville où les affichettes « se alquila » se croisent par milliers, nous trouverions en un rien de temps l’endroit de rêve où déposer nos cinq valises.
Mais non.
Impossible d’économiser le temps nécessaire pour comprendre la physiologie d’une ville où nous n’avions jamais mis les pieds. Où bat son cœur ? Quels sont les quartiers qui trépignent jusqu’aux heures laiteuses ? Quels sont ceux qui permettent de fermer l’œil ? Où sont les loyers exorbitants, les zones craignos ? Mais surtout : où sont les points stratégiquement importants pour notre vie partagée entre le lycée de Kyril et mes
investigations quotidiennes en ville. Nous avons fait du cabotage pendant un bon mois. Nous avons adoré Ciudad Lineal, quartier méprisé par une certaine bourgeoisie fâchée d’y croiser tant de Latinos. Nous avons détesté Avenida de America, autoroute bruyante en pleine ville. Nous avions pourtant découvert là le complexe le plus étonnant de la ville : les Torres Blancas, surgies de terre en 1964 et sujettes, depuis lors, à l’admiration des uns et à la haine des autres, les Madrilènes goûtant différemment cette architecture organique qui cherche son inspiration dans le vivant et ses cellules.