Voyager

Atocha– Mbote na yo, moninga. Ngenge nini ?

– A toi aussi, bien le bonjour. Oui oui, ça va très très bien !

Je rentre d’un voyage de trois semaines en République Démocratique du Congo, à Kinshasa plus précisément. J’ai suivi deux jeunes Français, Renaud Barret et Florent de la Tullaye. Vous avez vu ? Je sais même comment on dit bonjour en lingala. Renaud et Florent m’ont présenté des potes à eux, une équipe de musiciens superdynamiques, superpositifs. Ils jouent un « ndombolo » – sorte de rumba congolaise – métissé de funk, de salsa et de rap. Vraiment la classe ! Les paroles de leurs chansons parlent de leur vie misérable, à dormir sur des « tonkars », à se débrouiller de petits boulots, toujours au bord de la famine. Les chansons disent aussi aux mamans de faire vacciner leurs petits, et recommandent à tous d’aller voter, de se prendre en main, plutôt que de « peigner » les compagnons d’infortune. Car chacun a sa chance. Bingo ! Le vent peut tourner !

Les huit copains des deux Français en sont la preuve. Cinq sont nés sous la mauvaise étoile de la polio, tous savent ce qu’est la vie de « shégués », ces gosses abandonnés dans les rues de Kin-la-Belle, devenue Kin-la-Poubelle. Citoyens d’un pays où seuls ceux qui pillent les richesses ne vivent pas misérablement, ils sont parvenus, grâce à leur optimisme en inox, à se faire propulser – chaises roulantes et instruments de récup compris – aux Eurockéennes de Belfort.

Marché du RastroPour goûter au maximum mon voyage et en faire profiter d’autres, je me suis beaucoup documentée. Je voulais connaître au mieux l’Histoire de cet immense pays à laquelle ont participé au moins deux de mes ancêtres belges. Je voulais savoir ce qu’était devenu le Congo depuis le départ précipité des colons, essayer de comprendre pourquoi il s’enlisait dans des guerres ethniques et se dégradait de plus en plus, jusqu’à obtenir du PNUD, en 2012, le triste prix du dernier rang de l’indice du développement humain (IDH).

Un voyage passionnant mais réellement éprouvant. Que j’ai pu faire grâce à un film documentaire de Renaud Barret et Florent de la Tullaye. J’ai terminé hier matin mon dix-neuvième dossier pédagogique de cinéma, projet que je conduis pour les écoles publiques de ma région, en Suisse. Quelques dizaines de classes vont ainsi découvrir, comme je viens de le faire, l’étonnante aventure du Staff Benda Bilili, comment ces musiciens doués ont réussi, en cinq ans de persévérance, à se hisser de la misère de Kinshasa aux scènes les plus prestigieuses du monde. Le film s’est fait remarquer à Canne en 2010, dans la section Quinzaine des réalisateurs, et a obtenu en 2011 l’Etoile d’or, prix de la Presse du cinéma français.

Puerta del SolToutefois, les élèves apprendront également que l’argent a le double visage de Janus, et que le plus difficile est peut-être de gérer le succès.  En janvier 2013, le Monde titrait « Staff Benda Bilili : la fin d’une belle histoire d’amour »,  tandis que Libération avait opté pour « Du rififi chez Staff Benda  Bilili ». Disputes de fric, dissensus, on s’engueule, on se sépare. Triste épilogue. Mais classique.

Dimanche midi, mon dossier a pris le chemin électronique de la Suisse. Et l’après-midi, je suis repartie en voyage, accompagnée de K, mon plus jeune fils. Ouvrez la page de ce blog intitulée « Les mots du jour », vous verrez : la photo (18.3) est suggestive.

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