H Vélocipède

Nous avons loué une petite voiture, et filé vers l’Est à la rencontre de H. C’est à Perpignan que nous l’avons finalement retrouvé, après bien des coups de fil pour faire le point en fin de parcours. « C’est facile, je vous attends tout près du Castillet ».

Mais c’est quoi, le Castillet ?

Nous savons maintenant à quoi ressemble cette ancienne porte de la ville devenue l’emblème de Perpignan et le point de rendez-vous de ses habitants. H pédale depuis 10 jours. Il arrive de Genève et a avalé les 570 km qui séparent la Capitale Calviniste  de la Capitale Catalane sans trop se presser, plus intéressé à voir ce qu’offre le trajet qu’à faire de la vitesse. Il dit avoir croisé des gens particulièrement agréables en Haute-Savoie et adoré l’ambiance que dégage la ville très jeune de Montpellier. Il dit aussi avoir fabriqué beaucoup d’adrénaline entre Sète et Narbonne car la Tramontane s’est levée avec des pointes à 120 km/h, risquant à tout moment de le jeter à l’eau, alors qu’il progressait sur l’étroit chemin entre l’étang de Thau et la Méditerranée. Il a d’ailleurs appris par la presse que deux surfeurs et un gamin à vélo s’en étaient moins bien sorti que lui : disparus tous les trois.

Quand je raconte à Madrid que H a décidé de faire son déménagement Suisse-Espagne à vélo, les gens réagissent bizarrement. Ils croient que je fais une farce, ou que mon mari est un cycliste professionnel, ou que nous sommes une famille de doux-dingues. Dans le Sud, le vélo reste un moyen de locomotion pour pauvres ou éventuellement, notion très moderne,  un équipement sportif. Mais quelle idée de progresser à la mode d’un escargot quand on peut s’offrir une voiture confortable et rapide.

H a obtenu une année sabbatique, douze mois à modeler comme bon lui semble. L’année sabbatique c’est un rêve. Mais c’est également stressant, car c’est un cadeau exceptionnel qu’il ne faut pas gâcher. C’est un peu comme le conte des trois souhaits : que se souhaiter qui ait vraiment du sens ?

Le premier souhait de H est de sentir le temps et l’espace, de savoir que s’il s’établit à Madrid, il est à 1500 km de chez lui, que dans cet espace se déploie un paysage très varié où des gens vivent des destins singuliers. Le mollet qui se tend pour grimper une côte ou les doigts qui se serrent pour freiner de l’autre côté impriment le relief, les odeurs et la température dans le corps du cycliste. Il associe mieux les lieux à leur nom, les gens à leur tempéramment, les régions à leurs spécificités. Arpenter la Terre avec pour seul moyen deux roues et le génie mécanique d’un pédalier, et pour tout moteur son propre corps, donne un étonnant sentiment de liberté.

H est très content d’avoir entamé son année sabbatique en crapahutant sur les routes de France. Pour celles d’Espagne, il se tâte.

A Perpignan il pleuvait. Ah ! le bruit doux de la pluie quand depuis deux mois on ne connaît que le ciel si souvent bleu de Madrid ! A travers les gouttes de pluie, le monde s’enveloppe de mystère, se déforme et se difforme, se divague et se dévaste, pour mieux trouver place dans notre imagination. « J’aime bien la pluie, aujourd’hui »,  a remarqué Kyril à haute voix. Transmission de pensées…

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1 Response to H Vélocipède

  1. Christine, bravo pour tes écrits, ton beau style littéraire.Tes photos étonnantes.

    Puisque tu as cherché à me joindre, j’ai d’autant regretté ne pas être à Prades (où j’aurais du me trouver.) Vous voir m’aurait fait un immense plaisir.
    Je suis restée à Paris pour Jaques. maintenant je suis tout à fait rassurée.Il va très bien m’a-t-il dit voilà une heure.
    Pardon de te laisser un message perso.sur ton blog.
    Muchos Besitos.
    Eli.

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