Katia, elle te dit des choses comme : « Il paraît que je parle trop ». Elle te dit aussi : « Il faut prendre soin de ton couple, les enfants passent ensuite ».
Katia, elle a probablement déjeuné avec tous les rois d’Espagne, et couru les boutiques avec toutes leurs épouses et maîtresses. Elle aime réciter, comme une poésie de Prévert, la liste de ceux et celles qui ont mené le pays à travers l’Histoire, et ajoute des commentaires : « Lui, c’était un dégénéré mental ; elle, elle couchait avec toute la Cour ». Katia, elle a des éclairs dans les yeux quand elle nous guide, très élégante, par les rues de Madrid. Et préfèrerait ne jamais s’arrêter : « Eclipsez-vous si vous en avez assez ».
Katia, je la connais à peine.
Je l’ai suivie trois fois, avec une vingtaine d’autres Madrid-Accueillies. Sa passion communicative pour ce pays dont elle a épousé un Sánchez la rend très attachante. Katia aime qu’on l’écoute et excelle dans l’art d’être écoutée : elle connaît très bien ses sujets, cherche le contact avec son public, et glisse à dose homéopathique des anecdotes personnelles : » J’ai tout de suite compris que c’était un impair de porter un chapeau dans ces circonstances. Mais trop tard : tous les invités m’avait vue, il fallait assumer. »
Cette attitude me plaît.
Parfois, Katia donne des conférences. Trois heures et demie, sans pause, sur la Guerre Civile. Merci Katia d’avoir dénoué pour moi les fils compliqués de cet épisode tragique. A travers ta voix, toute une galerie de personnages aux noms pour la plupart inconnus se sont animés, se sont disputés, ont hurlé leur revendications ou leurs menaces, se sont battus, étripés, pour laisser aux bons soins du Caudillo une Espagne ruinée.
– Katia, tu vas nous présenter le franquisme, la prochaine fois ?
– Non, le franquisme ne m’intéresse pas.
Pour 2€, Katia m’apporte des pans d’Espagne. Des pans choisis par passion.
Bécaud a croisé une Nathalie à Moscou, moi une Katia à Madrid. C’est ça, avoir de la chance.
J’aime les textes où Christine rencontre des personnes, surtout si elles sont atypiques.
Une écriture de sympathie, un mimétisme entre les mots et les êtres.
Un fil rouge déjà déroulé en Bulgarie et en Pologne.
Jacques.